Évaluer les ripostes aux épidémies stimule la préparation face à la polio

Dar es Salaam – Loin d’être conçues pour se focaliser sur les erreurs, les évaluations de la riposte aux épidémies offrent une opportunité de renforcer la capacité des pays en matière de surveillance des maladies et de préparation, un établissement de santé après l’autre, explique Sambo Godwin Ishaku, chargé de la logistique et de la chaîne du froid à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Tanzanie.

Le pays a récemment complété l’évaluation de ses capacités en matière de vaccination et de surveillance afin de détecter et d’arrêter la transmission de la polio. Sambo Godwin Ishaku insiste sur l’importance de former les travailleurs de la santé à reconnaître les signes de maladies telles que la polio pour que tous les cas soient détectés.

L’émergence du poliovirus sauvage de type 1 au Malawi et au Mozambique, ainsi que les épidémies du variant du poliovirus de types 1 et 2 (cVDPV1 and cVDPV2) en circulation dans le sud-est de l’Afrique, représentent un risque élevé pour la Tanzanie. Plus de 15 millions d’enfants ont déjà été vaccinés dans le pays depuis le lancement d’une campagne conjointe contre le poliovirus sauvage en Afrique australe au début de l’année 2022.

Les évaluations de la riposte aux épidémies sont essentielles pour s’assurer que des normes élevées de préparation aux urgences sont maintenues. Ces évaluations sont effectuées tous les six mois dans les pays affectés jusqu’à ce que les épidémies soient certifiées comme étant terminées.

Membres de l’équipe d’experts internationaux de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la polio, Sambo Godwin Ishaku et ses collègues sont chargés d’échanger avec  les points focaux dans les districts peu performants partout en Tanzanie afin de comprendre les défis auxquels ils font face et de formuler des recommandations.

Pour cela, il a interrogé des travailleurs de la santé, vérifié l’équipement et les dossiers dans les établissements de santé, les sites de stockage des vaccins, les sites de surveillance environnementale et au sein des communautés.

Dans l’un des hôpitaux privés de Dar es Salaam, lorsque Sambo Godwin Ishaku demande à l’équipe pédiatrique ce qu’est une PFA, le personnel peine à lui répondre. « Notre collègue qui a été formé à la surveillance est absent aujourd’hui », s’excuse finalement l’un des membres de l’équipe.

La paralysie flasque aigüe (PFA), c’est-à-dire la paralysie soudaine des membres et des muscles, est un signe avant-coureur de la polio.

« Si vous ne savez pas ce qu’est la PFA, vous pouvez passer à côté de beaucoup d’enfants qui devraient être signalés », souligne Sambo Godwin Ishaku.
En 2022, la Tanzanie a enquêté sur 1284 alertes à la PFA à travers l’analyse d’échantillons. Jusqu’à présent, tous les résultats se sont avérés négatifs à la polio. La PFA peut ne pas être liée à la polio et se manifeste chez trois enfants sur 100 000. Certains établissements de santé privés en particulier considèrent la surveillance de la polio comment nécessitant trop de ressources.

« Je suis satisfait d’être venu ici aujourd’hui », se félicite Sambo Godwin Ishaku, qui a vingt ans d’expérience en matière de riposte à la polio.
« Si vous gérez un cas de PFA très tôt, vous pouvez prévenir la morbidité et la mortalité », affirme l’infirmière Loveness Goodluck lors de son entretien avec Sambo Godwin Ishaku. Elle a commencé à travailler sur la polio à l’hôpital Ekenywa, à Dar es Salaam, il y a trois ans. Elle est l’une des 400 points focaux pour la surveillance formés par l’OMS en Tanzanie.

Loveness Goodluck admet être nerveuse : « je suis anxieuse pace que je ne sais pas quelles questions vont m’être posées ! Mais je sais que cela renforce mes compétences. »

À l’issue de l’entretien, elle peut souffler : « Le Dr Sambo m’a dit que je m’en suis bien sortie », dit-elle.

Les évaluations examinent la surveillance ainsi que tous les autres aspects de la riposte aux niveaux régional, du district et de la communauté tels que la planification et la coordination, les activités de vaccination complémentaires, la communication et l’engagement communautaire, ainsi que la gestion du vaccin.
L'un des indicateurs clés est la capacité des pays à recevoir et conserver les vaccins suivant les protocoles de la chaîne du froid. C’est aussi le champ d’expertise de Sambo Godwin Ishaku, en tant que spécialiste de la logistique et de la gestion du vaccin. Son enquête conclut que tout est en ordre, y compris les capacités de conservation du vaccin.
Lors de la visite de l’un des douze sites de surveillance environnementale du pays, Dr Ishaku ajoute qu’il est important pour le personnel de laboratoire d’être correctement formé au prélèvement, au conditionnement et à l’acheminement des échantillons.

« Il y a des problèmes avec les échantillons qui doivent arriver au laboratoire dans de bonnes conditions, donc nous devons réfléchir à comment améliorer ce point », dit-il. « Gérer la polio est délicat. Nous savons que la maladie est là mais pas où elle va. La surveillance environnementale joue un rôle clé dans le contrôle de ce mouvement. »
Les efforts de communication et de l’engagement communautaire est un autre domaine qui retient son attention.

À Mnyamani, un campement informel à Dar es Salaam qui est considéré comme étant difficile à atteindre, Sambo Godwin Ishaku a rendez-vous avec Mariamu Jumaa Mlugu. Membre de la communauté et professionnelle de la santé, elle joue un rôle important pour préparer l’intervention des équipes de vaccination sur le terrain.
« Certaines personnes sont inquiètes de l’évaluation parce que cela ressemble à un examen, mais je leur dis : si vous cuisinez à la maison, vous ne pouvez pas juger vous-même si la nourriture est bonne. Vous invitez votre voisin et il vous dit si c’est bon. Si les gens font des commentaires, utilisez-les pour vous améliorer », explique-t-elle.

Mariamu Jumaa Mlugu travaille étroitement avec le guérisseur de la communauté Haj Suleman, qui détaille à Sambo Godwin Ishaku ses efforts de promotion de la campagne de vaccination : « Je dis toujours aux gens à quel point le vaccin est important. J’ai eu la polio en 1967 et, depuis, j’ai des problèmes pour marcher. Certaines personnes, dans ma famille, l’ont aussi eu et sont handicapées. »

Formés à la surveillance par l’OMS, les guérisseurs communautaires sont des alliés clés dans la lutte contre la polio. Ils agissent comme des sentinelles sur le terrain, en identifiant et en signalant les cas de PFA suspects aux établissements de santé.
Quand Mariamu Jumaa Mlugu demande à Rahimu Selemani si son fils Zena est vacciné, celle-ci s’exclame : « deux fois ! »

« Si vous demandez à n’importe qui dans la communauté, on vous dira que la campagne de vaccination a été un succès », affirme Mariamu Jumaa Mlugu, ajoutant que l’évaluation aidera à identifier de possibles améliorations.

« La Tanzanie s’en sort très bien », souligne Sambo Godwin Ishaku. « Presque tous ceux que nous avons rencontrés agissent en conformité avec le programme, en faisant tout leur possible pour s’assurer que nous ayons un impact positif sur la vie des enfants. »

Ses recommandations mettront l’accent sur la nécessité d’améliorer et d’accroitre les visites de surveillance et de supervision. Parmi les solutions figurent davantage de formation et de renforcement des capacités, du matériel de communication et l’établissement de structures de coordination de la surveillance avec des personnes spécialement chargées de cette tâche.


Pour Tim Peterson, directeur adjoint des opérations de l’équipe Polio à la Fondation Bill et Melinda Gates dans le pays et chef de la mission en Tanzanie, ces évaluations sont les dernières d’une série effectuée au Malawi et au Mozambique depuis le début de l’épidémie.
Il souligne que l’absence de poliovirus en Tanzanie ne signifie pas qu’il faille relâcher les effort. « La menace de la polio est réelle et nous avons besoin que tout le monde connaisse son travail et soit prêt à agir. »